Vous a-t-on déjà parlé rapidement de quelques Alpine A108 ou A110 fabriquées à l’étranger,
il était donc temps pour moi de vous parler plus en détail de la
version brésilienne de l’A108, répondant au doux nom de Willys-Overland
Interlagos (du nom du fameux circuit brésilien).
Pour bien comprendre comment l’A108 a pu se retrouver fabriquée près Sao
Paulo à partir de 1961, il faut remonter le temps un peu plus loin, à
la fin des années 50. La filiale brésilienne du constructeur américain
Willys (célèbre pour ses Jeeps) se cantonne jusqu’alors dans sa
spécialité, les véhicules tout-terrain, particulièrement adaptés aux
routes défoncées du Brésil. Mais la direction locale sent bien que le
développement du Brésil va créer un marché plus important pour les
véhicules de tourisme destinés aux classes moyennes. Le projet de la
nouvelle capitale Brasilia est validé depuis 1956, les villes
brésiliennes se développent, et Willys-Overland veut sa berline moyenne,
sans avoir vraiment les moyens de financer un nouveau véhicule !
De son côté, la Régie Renault est désireuse de développer les ventes de
sa Dauphine, sortie en 1956 en France, et particulièrement à l’export.
Les droits de douane brésiliens rendant impossible la vente de Dauphine
fabriquées en France, Renault cherche un partenaire. Et c’est ainsi que
le 26 décembre 1958, Willys Overland recevait le feu vert de sa maison
mère pour produire la Dauphine dans son usine de Sao Bernardo. Renault
et Willys Inc débloquaient même 12 millions de dollars pour agrandir
l’usine et installer une chaîne de production !
La Dauphine en tant que telle sera produite de 1959 à 1965 (23 887
exemplaires) tandis que sa version Willys Gordini sera produite à partir
de 1962 et jusqu’en 1968 (à 41 045 exemplaires). Mais tel n’est pas le
sujet de cet article. Il fallait cependant planter le décor. Ce lien de
partenariat industriel entre Willys Overland et Renault expliquant
grandement l’arrivée de l’A108 devenue Interlagos sur les chaînes de Sao
Bernardo.
De l’autre côté de l’Atlantique, en France, Jean Rédélé cherche les
moyens d’obtenir rapidement du cash pour continuer à développer sa
petite affaire. Ses liens avec Renault sont forts, mais la marque au
losange n’a pas encore pris le contrôle du petit constructeur. Rédélé a
l’intuition qu’un moyen rapide d’obtenir du cash serait de proposer la
production de ses modèles sous licence à l’étranger. Cela permettrait
non seulement d’obtenir une redevance, mais aussi de vendre des pièces
en plus gros volume, réduisant ainsi le goût global de ses propres
voitures.
Par l’entremise de Renault, Alpine va être mise en relation avec Willys
Overland. Comme la marque brésilienne produit déjà la Dauphine, mettre
en production l’Alpine A108 ne posera pas de vrais problèmes, et le
réseau Willys pourrait les entretenir facilement. Du côté de Willys
Overland, on y voit la possibilité de lancer la première sportive
brésilienne (sans se douter qu’elle lancerait un mouvement rapidement
suivi par DKW en 1965.
L’accord est rapidement signé, et une petite chaîne (enfin très
artisanale) est installée dans les nouveaux locaux de l’usine de Sao
Bernardo. Au Brésil, l’A108 sera proposée en 3 versions différentes :
Berlinette, Coupé (sur le modèle de l’A108 Coupé Sport) et Cabriolet
(« Conversivel » en brésilien). Les premiers modèles tombent des chaînes
dès 1961, et la Berlinette est présentée au Salon de Sao Paulo de cette
même année. Les ambitions son grandes, puisque Willys prévoit de
produire 8 voitures par jour. Objectif qui ne sera évidemment jamais
atteint !
La production durera jusqu’en 1966, n’atteignant que 822 exemplaires. Ce
n’était pas un succès. Mais l’arrêt de la production (ou le fait de ne
pas passer à l’A110) fut surtout dû à d’autres raisons : d’une part, le
projet M, mené en collaboration avec les français de Renault coûtait
beaucoup d’argent, dans une période de récession (ce projet, sur la base
des travaux conduits en France pour donner naissance à la Renault 12,
donnera un drôle d’avatar au Brésil, la Ford Corcel, lire aussi : Ford Corcel);
d’autre part, les tractations entre Ford et Kaiser-Jeep, maison mère de
Willys Overland, rendaient aléatoires tout autre projet de
collaboration avec la marque française.
L’Interlagos sera donc la seule Alpine produite au Brésil, mais
aujourd’hui, elle est un modèle particulièrement recherché des amateurs,
au point que Renault en présentait un exemplaire (rénové par Renault
Classic) au dernier Salon Rétromobile. Si vous avez envie de rouler en
Alpine, tout en cherchant l’exotisme, c’est sans doute vers le Brésil
qu’il vous faudra regarder !
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